Samantha Bailly

Retraite créative

Publié le : 25 avril 2022

Lorsque nous étions au Japon fin 2019, Antoine et moi avons posé nos bagages durant une semaine dans un temple bouddhiste, près d’Ōita. Nous avons vécu une parenthèse hors du temps aux côtés d’un moine. Quoique, le terme “aux côtés” n’est sans doute pas le bon : nous étions véritablement dans sa vie. La méditation à 5h du matin, le jeûne intermittent, l’entretien du temps (samu), l’accueil des nouveaux arrivants… Il y a quelques temps, j’ai retrouvé le carnet que j’ai tenu durant cette semaine où nous avions coupé tous nos moyens de communication avec l’extérieur. Sur une page figure le brouillon d’une journée idéale, la journée idéale que je proposerais moi si un jour, je vivais à mon tour dans un petit coin de paradis, au rythme des saisons. Un horizon qui semblait lointain, imaginaire.

Il se trouve que deux ans plus tard, cette page griffonnée est devenue une réalité. J’ai souri en comparant ce premier jet rédigé à la va vite sur un futon et le programme actuel de la retraite créative que j’ai inventé pour Parenthèse. C’est le même déroulé, dans lequel écriture, repos, observation, jardinage, méditation s’entremêlent. Je n’avais pas relu cette note, mais elle couvait manifestement dans un recoin de ma mémoire. Inconsciemment, je réfléchissais depuis longtemps à ce temps idéal, équilibré, entre introspection et extraversion, partage et solitude, écriture et lecture. 

Début 2021, quand nous plantions les arbustes pour reforester selon la méthode Miyawaki, j’ai parlé à Antoine de tout ce concept de retraite créative. Depuis le début, nous avions cette envie que ce lieu soit unique, hybride, qu’il s’émancipe des attentes que l’on peut avoir sur ce genre de projet d’hébergement. En fait, nous avions le désir de créer un endroit qui porte en lui les plus belles expériences de notre voyage. Ne pas y intégrer organiquement un temps dédié à la création aurait été… impossible ! Mais sous quel format ? Comment ? 

On voit de nombreuses retraites de différents courants spirituels, ou bien des stages et autres workshops pour se professionnaliser dans la création… mais je n’avais jamais croisé de retraite dédiée à la fois au ressourcement et à l’exploration de sa créativité. Un temps que l’on se donne, sans pression, pour chercher certaines zones que l’on sait là, cachées, en attente, endormies parfois, et que l’on souhaite réveiller en douceur. Un temps travaillé dans les équilibres entre l’apprentissage avec un guide professionnel de son métier, mais aussi la liberté de rêver et observer. Cela demande une attention exigeante portée sur l’emploi du temps. Cela nécessite aussi de veiller à ce que les temps collectifs n’étouffent pas les aspirations individuelles, mais au contraire les nourrissent.

J’ai pour l’heure organisé trois retraites créatives, une en septembre 2021, l’autre en novembre 2021, la dernière récemment en avril 2022. Je garde un souvenir incroyablement lumineux de ces trois sessions, à chaque fois différentes mais ayant pour point commun d’avoir rassemblé un groupe composé uniquement de femmes talentueuses. Des femmes talentueuses et très humbles – pour ne pas dire que beaucoup avaient un syndrome de l’imposteur sur lequel nous avons beaucoup travaillé. Ce qui est étonnant, c’est l’harmonie des personnalités et des textes qui se sont révélés durant ces trois semaines différentes. Car pour participer aux retraites d’écriture, je n’ai mis absolument aucun pré-requis. Il n’y a pas de “niveaux” exigé, même si je n’aime pas ce terme. L’inscription dépend vraiment d’un désir personnel de consacrer du temps à l’écriture, point. Et quel bonheur de découvrir autant de singularité, de sensibilité, de diversité et de puissance dans les écrits qui ont été rédigés en un laps de temps finalement assez court ! Sans doute que se faire ce “cadeau” pour sa pratique de l’écriture est en soi déjà la manifestation d’un besoin profond, d’une pratique consciente ou non qui a fait son chemin.

Ma vie a encore beaucoup évolué depuis janvier, avec mon nouveau travail de scénariste dans un studio de jeux vidéo. J’aurais mécaniquement moins de temps à consacrer aux retraites créatives. Elles seront plus rares, et ce n’est peut-être pas non plus une mauvaise chose : c’est un temps privilégié, un véritable rituel que j’ai envie de voir durer dans le temps. Car dans ces moments de sororité, je puise moi-même un ressourcement étonnant. J’y trouve un élan pour mes propres projets en friche que j’ai moins le temps d’entretenir depuis tous ces changements de vie importants. Pour l’heure, il n’y a pas de nouvelle date fixée, mais je vous tiendrais au courant quand cela sera le cas.

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