Samantha Bailly

La Marelle

Publié le : 5 octobre 2018

« La marelle » : 4 ans d’écriture, un roman hybride

La Marelle, c’est un roman contemporain qui aura pris quatre années pour grandir, mûrir, évoluer. Un roman combinant les genres, jouant avec les modulations de tons, entre récit littéraire, échanges épistolaires classiques et conversations numériques. Roman littéraire ? Histoire d’amour ? Fiction sociologique ? Je n’essaie même pas de lui trouver une case. Il y a plein de cases, dans une marelle, et l’on peut sauter à cloche pied de la terre au ciel.

Depuis que je vis de l’écriture, c’est-à-dire depuis 2012, c’est le premier roman que j’ai écrit sans en parler à un éditeur, sans contrat. Uniquement parce que c’était une nécessité. Chronologiquement, cela a coïncidé avec le moment où j’ai pris la décision d’être représentée par une agence littéraire, pour de nombreux autres ouvrages. Ce roman-ci, il était différent. J’ai pu l’écrire car l’amélioration de mes conditions de rémunération permettait enfin de reprendre une bolée d’oxygène – quatre mois d’écriture furieuse et intense, donnant naissance à un matériau brûlant, que j’ai retravaillé durant des années.

Je suis autrice. Pas de doute sur mon identité.

Je publie depuis dix ans, et observe avec acuité l’univers de l’édition, depuis mon parcours individuel comme de façon collective à travers mes mandats à la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, au Conseil Permanent des Ecrivains ou encore au sein de la Ligue des auteurs professionnels. Je me questionne beaucoup sur la notion de métier d’auteur, qui émerge difficilement dans l’univers du livre, alors que pourtant, la société nous considère de temps en temps comme des actifs, de temps à autre comme… pas grand chose. Naviguant entre notre fonction symbolique artistique et la notion de travail, nous composons comme nous pouvons avec des injonctions paradoxales.

Également, je me suis beaucoup questionnée sur le temps. Sur ma nécessité de vivre avec des idées souterraines qui, comme des racines, grandissent dans la terre de notre inconscient. Notre société actuelle, et l’industrie culturelle en particulier, compresse de plus en plus les temps de création. Étant une personne écrivant intensément et vite de nature, il est aisé de suivre ce rythme effréné. Ne serait-ce que pour des questions de survie, lorsque l’on vit de ce que l’on écrit, mais au-delà, parce que l’on aime écrire, que le besoin brûle le ventre, et qu’on le peut. Mais pouvoir faire et vouloir sont deux choses différentes. J’ai rarement autant appris que ces deux dernières années, à travers l’association que je préside. Humainement et intellectuellement. J’ai rencontré beaucoup d’auteurs et d’illustrateurs, dans des situations dramatiques que l’on ne soupçonne pas. Je n’arrête pas de m’interroger sur le sens de la surproduction actuelle de livres, de cette course effrénée, de la durée de vie d’un ouvrage – environ 3 semaines en rayon avant d’être détruit s’il n’a pas immédiatement rencontré son public.

Je suis autrice. Pas de doute sur mon identité. Je vis pour observer le monde, le mettre à distance, construire l’histoire qui permettra de tendre un miroir. Mais depuis des années, en voyant l’envers du décor, je n’ai jamais autant ressenti le besoin de prendre le temps. De m’extirper de cette course folle, de ces vagues de livres qui arrivent en rayons. Il y a les quelques uns qui survivent, s’installent, et tous ceux qui vont au pilon. Pourquoi certains vivent longtemps alors que la majorité retombe dans l’oubli ? L’investissement de départ de l’éditeur, la chance, le plan marketing, le bouche à oreille, etc.

 

Toutes ces réflexions m’ont conduite à ce moment. La Marelle, donc, prend un autre chemin.

Exploration des passions

La Marelle est en roman de passions. Un roman mettant en scène des personnages qui vivent avec intensité, qui ne se contentent pas de la tiédeur. Sarah, assistante du Directeur Artistique d’une maison spécialisée dans la broderie à destination de la haute couture, exerce un métier exigent qui en dit long sur le degré de créativité qui l’habite. Ses amis, Clo et Nam sont d’incorrigibles fêtards, pour qui les soirées sont une façon de mettre de la lumière dans un quotidien souvent jugé trop fade. Jabob, le patron, est animé d’une folie douce et de nombreuses superstitions. Et puis bien sûr, il y a ce lui, l’homme de la marelle dessinée sur le sol et la Marelle de Cortázar, celui avec lequel Sarah a décidé de jouer à un jeu, simple, fou, pur, complexe. Garder l’amour intact en le vivant dans une fiction racontée à deux. En opposition à ces personnages flamboyants, il y a Marion, l’amie terrienne, sensée, pragmatique, partie vivre au Québec pour fonder sa famille dans une atmosphère plus sereine. Et puis la mère de Sarah, qui par opposition à la vie mondaine de sa fille, habite dans l’un des recoins les plus reculés d’Ardèche, aspirant à une existence au bord du monde.

 

J’avais envie de parler de la passion sous toutes ses formes. La passion amoureuse, avec des rencontres qui incendient tout sur leur passage, qui bouleversent, qui transforment. Comme Sarah, par exemple, dont la vie bascule lorsqu’elle laisse entrer dans son existence un homme à travers un jeu romanesque insensé. La passion créative, à travers l’exploration de l’univers de la mode et du stylisme, du besoin des personnages de créer pour se sentir vivants. La passion dans le travail, illustrée par la thématique du burn-out, lorsque l’on franchit toutes ses limites physiques et psychologiques pour une entreprise.

J’avais envie de parler de la passion sous toutes ses formes.

La Marelle parle aussi du rapport qu’entretient toute une nouvelle génération avec les relations affectives. Comme vous le savez, Nos âmes jumelles, Les Stagiaires, À durée déterminée, Indéterminés, ou encore La Marelle, sont tous liés entre eux, dans cette démarche de dresser un portrait de ce que l’on nomme les Millenials, et de ce que les mutations sociétales, économiques ou numériques ont apporté comme changements dans notre quotidien et notre humanité. Sarah est un personnage très secondaire des Stagiaires, l’inconnue de la boîte de nuit, chapitre 10.

 

En vrac, La marelle parle de solitude, de rencontres, de papiers échangés dans un bar, de brûlures.

Le choix de l’auto-édition numérique

Quand j’ai terminé La Marelle, je n’ai pas eu envie de le confier au circuit de l’édition dite « traditionnelle » dans un premier temps. J’ai eu envie d’autre chose. De garder ce lien très intime avec ce roman, finalement. C’est complémentaire de mes parutions à compte d’éditeur qui se poursuivent. La Marelle paraîtra donc en numérique uniquement, via plusieurs plateformes, dont KDP et Kobo. Rien n’exclue qu’en fonction de la réception de La Marelle par ce biais, je ne décide pas par la suite d’en faire une version papier à travers l’édition à compte d’éditeur. Tous les possibles sont ouverts ! J’ai envie aussi de partager tout cela avec vous, de façon très directe. C’est pour cela que par exemple, j’ai envie de vous faire choisir la couverture parmi les différentes propositions ! Une interaction entre auteur et lecteurs que je trouve très intéressante.

 

À propos de la couverture, il était pour moi essentiel que ce soit Jade Sequeval qui la signe. Photographe talentueuse et amie de longue date, c’est elle qui fait les photos de mon compte Instagram et qui filme les vidéos de la chaîne Youtube. Depuis qu’on se connaît, depuis le lycée donc, Jade a toujours su saisir mon univers, mon regard. C’est une artiste exceptionnelle, qui a cette capacité inestimable à déchiffrer la sensibilité de ceux qu’elle croise. C’est donc une grande joie d’avoir pu faire ensemble ce shooting photo pour imaginer les différentes versions de la couverture du roman numérique.

 

Après étude des différentes possibilités, j’ai décidé de passer par le service d’auto-édition KDP et Kobo, pour ses conditions que j’ai vérifié avec une grande méticulosité juridique. Avec une libraire, nous étudions comment la diffusion se fait sur les plateformes de libraires indépendantes. Également, suite à tout cela, diverses possibilités entreprises proposant des impressions à la demande m’ont proposé de regarder leurs propositions. Ça va être intéressant de voir, aujourd’hui, comment il est possible en tant qu’autrice de prendre les gants de l’éditeur via le numérique. Ceci étant le début d’une expérience, je ferai dans un second temps un article plus poussé sur les avantages et les limites décelées, et aussi toutes les ambiguïtés que peuvent rencontrer les auteurs auto-édités en terme de statut. Pour le moment, à l’instant T, voici ce que j’analyse :

Les avantages de l’édition numérique sur KDP / KOBO :

  • Il n’y a aucune cession de droit. En auto-éditant en numérique, je reste propriétaire des droits de mon roman. Autrement dit, je peux diffuser à grande échelle mon ouvrage sans abandonner mes droits patrimoniaux. En parallèle de cette vie numérique, je peux ensuite en céder les droits papier, audio, étrangers, etc à d’autres tiers.
  • La rémunération. Sur le prix de vente, fixé à 4,99, je touche 70%
  • La régularité. Les redevances sont reversées mensuellement, ce qui assure un revenu fiable.
  • La flexibilité que permet le numérique. Je peux à tout moment changer la couverture, corriger mon texte, ajouter un passage… le format numérique autorise un rapport instantané que ne permet évidemment pas le papier. Un livre papier et un livre numérique sont tous deux un livre, mais ne permettent pas non plus la même interaction avec le texte. Il y a quelque chose de figé dans le livre papier qui est encore « modifiable » dans le livre numérique.

Les inconvénients de l’auto-édition numérique sur KPD / KOBO :

  • Il y a une option proposant une exclusivité de 90 jours. Durant ce laps de temps, cela signifie donc qu’il n’est pas possible d’auto-éditer ailleurs que sur l’une de ces plateformes en numérique. Pour ma part, je préfère éviter.
  • La rémunération est variable pour l’auteur en fonction du prix de vente qui est fixé. S’il souhaite bénéficier d’une redevance à 70%, l’auteur doit impérativement fixer le prix public de son ebook à 2,99 euros minimum. En dessous de ce prix, il perçoit 35%. Un moyen d’encourager à fixer un prix pas trop dévalorisant pour un ouvrage numérique, mais qui peut être contraignant pour les auteurs démarrant, et là tout de suite, la rémunération est bien moins attrayante…

Liberté, entreprenariat et compétences multiples

Auto-éditer peut donc être très simple. Un clic, on uploade son texte, c’est en ligne. Cette facilité est autant une qualité qu’un défaut. C’est-à-dire qu’en numérique, on ne fuit pas pour autant la surproduction, même si ce n’est pas dans les rayons physiques des librairies. Il y a toujours une offre très importante. Alain Damasio disait à une conférence à la Gaité Lyrique que le drame notre société actuelle, c’est que certes, tout le monde peut au sein de ce formidable espace qu’est Internet émettre sa petite lumière. Mais cela fait que désormais, nous sommes dans un champ de phares lumineux. Sans la moindre part d’ombre, éblouis, on ne sait plus vraiment où regarder.

 

D’un autre côté, cela en fait aussi un formidable moyen d’expression pour chaque personne qui souhaite mettre rapidement et facilement son texte en ligne, pour rencontrer ses lecteurs. La liberté est totale : chacun peut tenter l’aventure.

 

Le fait d’auto-éditer, donc de publier soi-même son livre, cela signifie être maître à bord. Garder ses droits, avoir une rémunération, mais aussi donc investir du temps, de l’argent et de l’énergie. Faire un travail de direction littéraire, rémunérer les différents prestataires engagés dans un livre : correcteurs, graphistes, photographes, illustrateurs, maquettistes, etc. Ou bien alors, le faire soi-même, si on a la chance de pouvoir cumuler toutes ces compétences. C’est aussi gérer sa propre communication, ses réseaux sociaux, son marketing…

J’ai le trac… mais je suis ravie de vivre cela avec vous.

Force est d’admettre qu’aujourd’hui, le monde de l’édition demande de plus en plus aux auteurs et autrices de cumuler des compétences qui n’ont jamais été autant sollicitées. En plus d’écrire et d’illustrer, on nous demande de faire notre communication, d’être en représentation en salon ou en festival, de faire sa promo sur les réseaux sociaux, de fournir souvent des éléments complémentaires. Cela va même plus loin : il n’est pas rare d’entendre aujourd’hui qu’il vaut mieux être « déjà connu » pour que l’éditeur « prenne moins de risque ». Ne perdons-nous pas de vue que l’échange fondamental qui noue le contrat d’édition, c’est qu’un éditeur devient détenteur des droits patrimoniaux d’un ouvrage en échange d’une exploitation permanente et suivie ? Que son rôle est de découvrir et défendre ses talents, et que c’est à cet endroit précis que se situe la prise de risque ? Bien sûr, bien des éditeurs « prennent encore ce risque », mais nous sommes dans une industrie où se dessinent des tendances assez faciles à identifier. Tout est une question d’équilibre entre les différents protagonistes.

 

Il y a une mutation en cours : les entreprises voulant faire des économies reportent un certain nombre de tâches sur les auteurs et autrices eux-mêmes. Car derrière la notion d’œuvre, de création, n’oublions pas qu’il y a une industrie. C’est à double tranchant : quelque part, eh bien les auteurs se forment aussi, et nous gagnons en autonomie quand il s’agit de reproduire ces savoir-faire pour notre compte seul.

 

Cette expérience en auto-édition numérique est donc inédite pour moi. Je la vois comme une façon de comprendre aussi les auteurs auto-publiés, dont font partie de véritables professionnels – pensons par exemple à Maliki ! D’ailleurs, je vous invite à lire son strip sur la chaîne du livre si vous en avez l’occasion. L’opposition édition « traditionnelle » et auto-édition est trop rigide pour les transformations en cours. Pour survivre, de nombreux auteurs commencent à se diversifier, à agir comme des entrepreneurs, à combiner différents modes de publications. À l’inverse, d’autres partent dans les industries du jeu vidéo, de l’audiovisuel, ou deviennent même salariés pour le compte de piliers du divertissement. Une fuite des talents réelle. C’est aussi le revers de la dégradation des conditions de revenus, puisque 41% des auteurs professionnels vivent avec moins que le SMIC.

 

L’auto-édition numérique est donc une nouvelle expérience parmi la constellation de celles que je suis en train de vivre. Elle ajoute encore un nouveau regard sur mon métier. J’espère mieux comprendre mes pairs, créer avec liberté, et vous donner à lire un roman qui m’est très cher.

 

J’ai le trac… mais je suis ravie de vivre cela avec vous.

Vous avez choisi...

Votre couverture préférée du roman en numérique !

Résumé

« J’ai toujours voulu être lue. Trouver un homme qui, comme moi, serait un lecteur averti, qui chercherait à déchiffrer, à lire entre les mots, à traquer les auréoles de poésie qui viennent parfois tacher le monde. Je ne voulais pas l’un de ces flâneurs qui sautent des chapitres, non. J’attendais celui qui prendrait l’histoire dans l’ordre ou le désordre, mais qui saurait recomposer le puzzle.

 

Avant de te rencontrer, j’avais oublié combien j’aimais lire les visages, les peaux, les silences.

 

Et puis je t’ai perdu.

 

Parce que j’avais accepté le jeu.

 

Ce jeu de la marelle, avec toi. »

 

Sarah va bientôt avoir trente ans. Tout lui réussit : un poste prestigieux dans l’univers prisé de la mode, une bande d’amis qui brûle la chandelle par les deux bouts, une vie de couple épanouie. C’est alors qu’un soir, elle tombe sur un livre : Marelle, de Julio Cortazar. Cette trouvaille est un séisme. Ce livre n’est pas n’importe lequel : les pages sont annotées de sa main et de celle d’un homme qu’elle a aimé bien des années plus tôt. Le passé ressurgit sans crier gare, et avec lui, les fantômes d’une passion aussi intense qu’insensée. Elle et lui avaient décidé de jouer à un jeu. Le jeu d’une passion véritable, sans se révéler leurs identités, un jeu qui devait rester en périphérie de leurs existences, ne jamais s’inviter dans la réalité.

 

Bouleversée par ce livre qu’elle est incapable d’oublier, dernière trace de cette passion enfouie, Sarah va se lancer dans une enquête éperdue pour retrouver celui dont elle ignore tout, sinon que de l’aimer l’a marquée d’une brûlure indélébile.

 

Naviguant entre passé et présent, La Marelle est un aller-retour permanent entre la terre du pragmatisme et le ciel des idéaux, où se consument, se refroidissent et reprennent les flammes de toutes les passions, créatives, professionnelles et amoureuses. Un roman qui parle du feu en chacun d’entre nous.

12 commentaires

Commentaires

  • Frédéric

    Très intéressant article et point de vue. J’espère que vous partagerez avec les chiffres de diffusion. Ce serait gęnial que vous touchiez un public plus large…

  • Aurore

    Voilà j’ai voté pour la couverture que je préfère, sinon elles sont toutes très jolies, le résumé du livre me donne envie de découvrir cette histoire, et j’aime beaucoup votre article très intéressant.

  • Joseph Béhé

    Cela me semble tout sauf une “expérience” sur laquelle vous pourriez tirer des conclusions autres que personnelles. Amazon est un éditeur qui a décidé de ne pas jouer dans la cour classique des éditeurs. Amazon ayant pouvoir de mettre en avant des titres (ou pas), vous ne pourrez pas comparer quoi que ce soit de cette expérience avec vos expériences antérieures. Amazon a besoin d’auteurs connus… Amazon fait la guerre aux libraires… Amazon n’est pas un acteur neutre, ce n’est pas une plateforme sans objectifs. Il y a de vrais gens derrière leurs algorithmes …
    Pour faire une “expérience” intéressante, il faudrait publier le même roman sous un nom différent de façon anonyme chez un éditeur papier classique et chez Amazon. Mais j’ai comme l’impression que personne ne le fera.
    Cela dit, les éditeurs classique nous ont tellement mangé la laine sur notre dos à nous les auteurs que je comprends votre démarche.

  • Patrick

    Bienvenue dans le “monde merveilleux” des auteurs autoédités, je suis certain que ce roman aura du succès et je suivrai avec intérêt vos retours d’expérience. Naviguant entre auto-édition et édition moi-même depuis 2014, j’ai une petite idée de ce qui vous attend et j’espère que votre propre expérience et votre engagement personnel permettra à cette facette de l’activité d’écrivain et nouvelle industrie à part entière de continuer à progresser et d’ouvrir de nouveaux horizons, que ce soit aux auteurs, aux lecteurs et au monde du livre.

  • Lola

    Bonjour Samantha,

    Permettez-moi de vous signifier que je n’accepte absolument pas votre choix, bien que je comprenne partiellement votre point de vue. Pourquoi Amazon ? Pourquoi Amazon, alors que nous savons tous qu’il nuit profondément aux acteurs de la chaîne du livre ? Je suis libraire (et je me permets à ce titre de contredire votre propos sur la durée de vie d’un livre en rayon, puisqu’il est ďéconseillé de retourner avant échéance de facturation) , et je soutiens fermement une meilleure rémunération des auteur.e.s. Mais la solution n’est pas dans le choix d’une plateforme algorithmique dont l’existence remet en cause la survie des librairies, quelles que soient leur taille et leur degré d’indépendance d’ailleurs. [1/2]

  • Lola

    [2/2] Ne faites-vous donc aucun cas du soutien que les libraires peuvent apporter à un livre, en le défendant auprès de leurs lecteurs ? “En attendant Bonjangles” est né ainsi, et plein d’autres romans pas forcément aidés par leur éditeur, non par manque de volonté mais par manque de budget, ont vécu grace au conseil de libraires passionnés, sous-payés (parole de smicarde), et mis en danger, au quotidien, par la présence d’Amazon.
    En confiant votre pouvoir créatif à un algorithme, c’est tout un pan de la diffusion culturelle que vous assassinez. Quand bien même il n’est question que d’une publication numérique.
    Connaissant votre position et les valeurs de la Charte (que je respecte et que je trouve évidemment nécessaires), je trouve votre décision autant emblématique qu’irresponsable et déplorable.

    Bien cordialement,

    Lola Faisandier.

  • Melalivres

    1/3 Bonjour Samantha, je découvre par Livres Hebdo que vous avez décidé d’expérimenter l’auto-édition… via amazon.
    J’ai beau y réfléchir depuis ce matin, je ne comprends pas comment, avec le rayonnement que vous avez au sein de l’univers littéraire, vous pouvez avoir fait ce choix. Amazon, qui détruit plus d’emplois qu’il n’en crée ? Amazon, qui fait tout son possible pour ne pas payer ses impôts ? Amazon, qui piétine le droit du travail impunément ?
    Je suis libraire jeunesse et, à mon niveau, j’ai toujours fait de mon mieux pour soutenir les auteurs. J’ai souvent mis en lumière le problème de la rémunération auprès de certains de mes clients. J’ai signé les pétitions de la charte. Je garde les romans que j’aime souvent bien plus que trois mois, sur mon mur ou dans mon rayon, et je n’ai pas peur d’avoir des grands formats en fond. Que fait amazon pour vous soutenir, vous, auteurs et autrices, si ce n’est mettre les plus vendus en tête ?

    • Samantha

      Bonjour Melalivres. Revenons-en alors aux fondamentaux, car j’ai lu des inepties et surtout des mensonges durant de nombreux jours. Rappelons le principe de l’auto-édition : c’est l’auteur qui édite lui-même son ouvrage, que ce soit en numérique, en papier, ou les deux en mêmes temps. Autrement dit, l’auteur « cumule » les deux casquettes. Amazon ou la Fnac ne sont en aucun cas « un éditeur ». Dans le cas de l’auto-édition, ils proposent seulement un service permettant de mettre en ligne son ouvrage numérique en le convertissant en epub. C’est l’inverse d’une publication avec un éditeur : il n’y a pas de cession de droit. Je reste complètement propriétaire des droits de « La Marelle ». Comme je l’expliquais, je peux ensuite moi-même céder mon ouvrage par la suite à des tiers pour diverses exploitations : papier, audio, audiovisuel, etc. “La Marelle” est disponible sur tous les canaux de diffusion numérique, librairies y compris, simplement il n’y a aujourd’hui que KDP et Kobo qui proposent un système d’auto-édition numérique avec suivi des ventes en temps réel, etc. Pour les autres librairies, je passe par un diffuseur. Mais à croire que le mot « Amazon » est devenu un véritable tabou pour le monde du livre, à ne pas prononcer sous peine de perdre tout esprit critique et de se draper dans des postures hautement idéologiques. Pourquoi je ne souhaite pas entrer sur ce terrain ? Pour une raison simple : il y aurait alors beaucoup à dire dans l’univers global de l’édition, sur les conditions de travail des salariés, les volontés de monopole de tel ou tel groupe important, le fait que nombre d’auteurs, en BD notamment, travaillent 12h par jour durant un an, pour souvent 400 euros par mois. Les auteurs pourraient inverser cela et hurler à l’assassinat de la part de libraires qui acceptent dans leurs librairies des ouvrages ayant été créés dans des conditions de travail graves. Ce n’est pas le cas, puisque nous savons très bien qu’un libraire fait des choix de survie, tout simplement, et n’a pas la responsabilité sur ses épaules de toutes les pratiques. Le monde de l’édition est bel est bien une industrie, où se déchaînent diverses luttes de monopoles, et où les individus en « bas de la chaîne » vivent des conditions difficiles. En attendant, lorsqu’un éditeur publie un ouvrage en papier et en numérique, l’ouvrage est systématiquement disponible sur tous les canaux, y compris Amazon. L’article de Livres Hebdo en ce sens manque grandement d’informations. Cela m’attriste que les libraires puissent le prendre “personnellement” quand il s’agit d’une expérience très courante – de nombreux auteurs, y compris connus, exploitent eux-mêmes leurs droits numériques. Ensuite, il est extrêmement choquant qu’une telle déferlante de violence soit portée sur un individu, qui souhaite simplement continuer à exercer son métier – en plus d’engagements bénévoles pour sa profession, qui viennent évidemment retirer un temps important de création et de revenu – plutôt que sur les raisons systémiques. C’est inverser complètement qui est le parti faible et qui est le parti fort. Ce qu’il y a de surprenant – et d’inquiétant – c’est que ce sont les individus dans les situations les plus difficiles et précaires, qui attaquent d’autres individus dans la précarité, plutôt que de se tourner vers le questionnement d’un système.

  • Melalivres

    2/3 Je suis également autrice, en recherche d’un éditeur, et si je comprends que certains auteurs finissent par se diriger vers l’auto-édition par désespoir, je reste fermement tournée vers l’édition traditionnelle. S’il me venait un jour l’envie de tenter l’auto-édition, je me refuserais à aller vers amazon, pour toutes les raisons citées plus haut. Qu’un auteur lambda s’y dirige, je peux le comprendre. Mais qu’une autrice reconnue comme vous fasse ce choix ? Ne me dites pas que vous ignorez les nombreuses polémiques de ce géant.
    Je suis, enfin, une citoyenne. Et je ne peux que désapprouver votre démarche qui s’affiche, que ce soit volontaire ou non, comme un soutien à amazon. Cette entreprise ne cherche que le profit, au mépris des lois. Au mépris de la culture également.

  • Melalivres

    3/3 Si un jour il n’y a plus de librairies pour défendre les auteurs, les éditeurs les moins connus, s’il n’y a plus qu’amazon ? Les éditeurs les plus fragiles en souffriront. S’il ne peuvent pas laisser une marge aussi importante que d’autres à amazon, ils finiront noyés dans la masse, accessibles seulement à ceux qui sauront ce qu’ils cherchent, avant de disparaître. Là, il ne restera plus que l’auto-édition pour les auteurs. Et dans cet océan d’auto-publications, de bonne ou de mauvaise qualité, qui s’en sortira réellement, en dehors des auteurs les plus connus, ayant réussi à se créer un véritable réseau ?
    J’espère ne jamais voir ce scénario catastrophe. Mais je ne peux m’empêcher d’y penser à chaque fois que j’entends parler d’amazon.
    Je ne me fais pas de faux espoirs et je me doute bien que mon avis n’aura aucune espèce d’influence sur votre choix, mais je ne vous remercie pas de mettre en lumière cette entreprise…

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